Son prénom est Driss, mais je l’appelais toujours Ba Driss. Le « Ba » est une manière de mettre en valeur quelqu’un à la « marrakchie ». Plus serviable que lui, tu meurs ! Toujours souriant prêt à rendre service, le regard abaissé, non pas pour signifier la moindre hypocrisie ou sournoiserie selon le décryptage de la culture occidentale, mais pour marquer le respect qu’il porte à chaque personne qu’il côtoie, selon les bonnes traditions de la culture orientale et arabe.
Ba Driss n’était pas une star, loin de là ! Mais c’était ma star à moi. En grand maître serveur, il régnait sur la terrasse d’un restaurant populaire de la plage Moulay Bousselham, située sur la côte marocaine. Depuis que j’avais fait sa connaissance et qu’il nous avait servis comme des rois, il était devenu un passage obligé dès que je mettais les pieds sur ce bout de contrée. En famille ou entre amis, je m’arrêtais d’abord à sa terrasse pour le saluer autour d’un bon thé à la menthe, lui demandais de nous préparer le repas de midi comme d’habitude, puis on partait faire bronzette sur la plage. À notre retour, ce n’était pas un repas qui nous attendait, mais un festin. Il allait chercher les meilleures langoustes, homards et fruits de mer chez les pêcheurs du coin et nous régalait de mets à faire évanouir tous les participants de Koh-Lanta. Et tout ça pour des broutilles.
Ba Driss était devenu un ami et je le respectais car il faisait tout pour faire vivre sa famille honnêtement et uniquement avec ce qu’il savait faire. C’est-à-dire faire les courses, cuisiner et assurer le service. Je lui avais laissé ma carte en lui promettant de l’aider en cas de besoin. Un jour, sachant que j’étais sur Rabat, il m’avait appelé pour lui trouver du travail sur la capitale. Chose que j’avais réussi à faire car j’avais des amis et clients qui tenaient une pizzeria très fréquentée et qui avaient besoin d’hommes de confiance. Pour eux, Ba Driss était la perle rare à recruter d’urgence. Il m’avait alors appelé d’une cabine pour aller le chercher à la gare. Ce que j’avais fait, mais sans avoir pu le rencontrer. Se serait-il trompé de gare ? Avait-il perdu patience en m’attendant ? Que lui est-il arrivé ? Je ne pouvais le savoir car à l’époque, dans le début des années 90, il n’y avait pas encore de téléphone portable. Depuis je ne l’ai plus revu ! Peut-être que ce post, rédigé pour lui rendre hommage, me permettra-il de penser à le rechercher lors de ma prochaine escapade au Maroc.